Au resto
Dans la vie, chacun s'accroche à des détails essentiels à ses yeux.
La suite dans laquelle tu as logé était belle? Oui, mais le bouton de la chasse d'eau était moche.
T'as aimé ton voyage? Non, j'ai pas réussi à dire "merci" en swahili.
T'as choisi une nouvelle nounou? Non, j'arrive pas à en trouver une qui sait cuisiner les topinambours.
Parmi les indicateurs de qualité d'un restaurant, chacun va prêter attention à un élément en particulier qui n'aura pas de lien avec le repas proprement dit, mais qui jouera un rôle crucial dans l'appréciation globale.
- Pour mon amie xxx, ce sont les toilettes. Il faut que cet espace commun soit propre, chic, avec de vraies serviettes individuelles, et du savon Chanel. J'ai tenté de lui expliquer que l'on ne pouvait pas déjeuner tous les jours au George V, elle a systématiquement le pipi déçu.
- Pour Pauline, critique gastronomique ayant le bon goût d'habiter à 50 mètres de chez moi, les critères volent très haut. A savoir : une carte contenant peu de propositions (elle considère suspect le fait d'avoir en cuisine tous les ingrédients de toutes les saisons en même temps) et, c'est là que ça ne rigole plus, la qualité des verres. Ouais, cela vous a sans doute échappé jusqu'ici, mais en gros selon la finesse du verre, sa forme, son ergonomie, les liquides sont plus ou moins mis en valeur.
- Pour moi -attention on redescend - le pain revêt une importance capitale. Un piètre repas peut être sauvé par un pain mémorable (même si je ne reviens jamais, faut pas pousser, je ne peux pas passer ma vie à ne manger que du pain), et un repas divin peut perdre beaucoup de points à cause d'un pain basse classe. Ce que je cherche à dire, c'est qu'un très bon repas ne saurait aller sans un très bon pain (voire des pains assortis aux plats, eh oui je souffre du syndrome xxx selon lequel tout est mieux quand tout est parfait).
-La présence de "petits +" peut aussi jouer un rôle. Des radis en guise d'amuse-bouche dans un boui-boui, un mini-carambar amené avec l'addition, du sel bio et hop on s'emballe et on oublie que tout le repas était dégueu (et les toilettes crades, et le pain rassis, et les verres beaucoup trop épais, ou trop fins, je sais plus ce qui est bien).
- Certains vont accorder toute leur attention aux divers contenants et supports : le menu présenté sous forme de "passeport pour un voyage culinaire" (c'est ringard, mais c'est pas le débat), l'addition roulée dans une salière (tellement original qu'on redemande 5 fois l'addition qui est sous nos yeux) ou encore des frites à 20 euros présentées dans un cornet de fête foraine (frites bobo, cf la simplicité).
Tout le monde est très content avec ce qu'il pense être "le détail révélateur".
- Le client qui se croit malin en relevant des à-côtés alors qu'il ne fait que se laisser leurrer par ces mêmes à-côtés
- Le patron parce qu'il donne à peu de frais l'impression au client qu'il est très malin alors qu'il ne fait que le leurrer avec des à-côtés
Tout cela vaut bien sûr uniquement pour les imposteurs.
Car il existe aussi d'excellents restaurateurs qui proposent des repas de qualité, des toilettes propres, du bon pain, des verres dignes de ce nom (Pauline nous livrera son étude sur la question), des petits + sympas, et des contenants (euh, c'est vraiment important les contenants?) recherchés.
Voilà, je voulais juste vous inviter à réfléchir sur tout ce qui peut faire sens dans un resto (j'ai pas parlé du service ou du décor, ce ne sont pas des "détails", même s'ils peuvent largement participer à l'imposture générale : on en reparlera).
J'aime l'idée qu'après avoir lu mes billets vous soyez perpétuellement en proie à des réflexions profondes sur le monde qui vous entoure.
A demain pour de nouvelles émotions intellectuelles.