Tais-toi merci.
Je suis désolée, mais une fois encore vous devrez vous satisfaire de petits paragraphes sans lien apparent (un fil très mince les relie, saurez-vous le retrouver?).
- Hier, chez la kiné.
La kiné - Alors comment se portent vos 2 filles?
Moi - Très bien, merci.
La kiné - Ah parce que, moi, ma petite fille... (s'ensuivent 22 minutes durant lesquelles nous parcourons différents épisodes de sa relation avec ses parents, sa jeunesse chez les soeurs, son mariage où personne n'a voulu venir, ses premiers ourlets, pourquoi son fils s'appelle Benjamin et pas Jacques-Olivier, pourquoi les vaccins c'est de la merde, et Bachelot machin machin...) (excusez-moi mais là vous me faites hyper mal merci). Bon, parce que, vous voyez, j'ai tout de même 62 ans, oui, je sais, vous allez me dire que je ne les fais pas (euh, non, pas spécialement), ah mais ça je dis toujours "c'est grâce à mes patients", c'est grâce à vous que j'ai cette forme physique, et avec la vie que j'ai eue, oui, bon là j'ai pas le temps de vous raconter, mais quand j'avais 5-6 ans, ou peut-être 7, non je sais plus, bon disons 6, non c'était 7...
Là, vous vous dites, hum, sympathiques ces séances. Le problème, c'est que la première fois, on peut considérer qu'il y a un côté intéressant, elle me raconte son expérience et tout et tout, sauf qu'au bout de la 4è session (putain j'en ai 20), on a bien bien bien compris qu'elle avait été major de sa promo, qu'elle était catho "pas pratiquante, mais croyante", "croyante, mais pas pratiquante, enfin oui, croyante, parce que je suis croyante quand même, pas vraiment pratiquante, mais croyante" etc.
C'est là que je me suis fait cette réflexion qui me semble particulièrement audacieuse et pertinente par les temps qui courent.
ECOUTER QUELQU'UN C'EST BIEN, MAIS PARFOIS C'EST CHIANT.
(j'aurais dû trouver ça louche quand elle m'a proposé plein de créneaux dès le lendemain de mon premier appel).
- Du coup, pensant à elle, je rebondis sur moi et m'applique la règle ci-dessus.
QUAND JE PARLE C'EST BIEN, MAIS PARFOIS C'EST CHIANT.
(ah si, finalement ya un rapport entre mes paragraphes) (j'arrive pas à être incohérente, je produis toujours et constamment du sens, quelqu'un pourrait me donner les clés de la légèreté?)
Sur la partie "Quand je parle c'est bien" : ok.
Mais comment savoir si ce qu'on dit est chiant?
(je savais pas où me mènerait ce billet, me voici au coeur d'un débat ONTOLOGIQUE) (je suis comme aimantée par l'existentialisme) (faites semblant de comprendre, je le fais aussi)
On peut se fier aux manifestations physiques de notre interlocuteur :
- il baille (mais il est peut-être vraiment fatigué - un doute substiste, mais dans le doute, taisez-vous)
- ses yeux fuient sans cesse à l'affût d'une distraction (tout a un intérêt, sauf vous)
- il renverse exprès un verre (il peut ainsi aller chercher une éponge, pendant que vous fermez votre gueule)
- il part (une technique pour le moins audacieuse, qui consisterait donc à s'en aller sans transition dès qu'on s'emmerde) (un rêve)
On peut également se fier à ses paroles :
- le changement de sujet (l'inégalable ET SINON, avec toujours le risque que l'autre sujet n'aboutisse qu'à une nouvelle chianteur)
- la franchise : "mais qu'est-ce que t'es chiant(e) putain" (un truc qui peut marcher avec les gens pas susceptibles type mon marido qui du coup opte pour un autre sujet, mais pas avec les belettes qui prennent le parti de fermer leur gueule à jamais en présence de cette personne) (les belettes ne sont pas susceptibles, mais délicates)
- la "fausse franchise", "Attends, ne commence pas à me parler de ça, je n'y connais strictement rien" (à replacer dès le début de la conversation, mais pas toujours facile d'anticiper le degré de chiantise)
-la surenchère (OK, t'es chiant(e), je vais l'être encore plus) (je connais quelques personnes qui excellent dans cette surenchère)
Le message le plus clair me semble sans conteste celui qui allie le physique aux mots.
T'es chiant(e), je me casse.
Autre technique pour savoir si l'on est pénible :
On arrête de parler subitement, et on attend.
Si 30 mn plus tard l'interlocuteur ne s'est pas rendu compte qu'on avait arrêté de parler, on peut considérer qu'on était chiant.
S'il relance immédiatement la conversation "et alors, qu'est-ce que ta copine a répondu quand tu lui as dit que t'avais pas trouvé la jupe Zara beige que tu avais vue en page 33 de Grazia du 26 février?", estimez-vous heureux d'avoir une écoute exceptionnelle face à vous.
S'il change de sujet, soyez sympa, faites-le.
Voilà...
Demain, je change de sujet...